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Le Budget Français : Passer du Débat Public à des Solutions Fondées sur des Principes

8 min readBy: Sean Bray, Cecilia Perez Weigel

Le président français Emmanuel Macron a promis de maîtriser le déficit budgétaire du pays au cours des quatre prochaines années. Les données publiées récemment montrent que la France va dans la mauvaise direction.

Le 26 mars, l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) a constaté que le déficit budgétaire de la France pour 2023 représentait un surprenant 5,5 pour cent du PIB, soit 0,6 pour cent de plus que l’objectif de 4,9 pour cent fixé par le gouvernement. Cet écart de 154 milliards d’euros remet en question l’objectif du président Macron de ramener le déficit de la France à moins de 3 pour cent du PIB, conformément aux règles du Pacte de Stabilité et de Croissance de l’Union Européenne – d’ici 2027.

Fondamentalement, la société française est engagée dans un débat sur les promesses de croissance économique, la qualité des dépenses publiques et l’équité fiscale globale. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le rôle que la croissance et la politique fiscale devraient jouer dans la stabilisation des finances publiques à long terme.

Sans oublier des manifestations, comme les Gilets Jaunes, qui ont clairement fait comprendre à tous les partis politiques que les effets de la politique fiscale sur leur niveau de vie sont une question cruciale. Les partenaires intéressés par des réformes économiques communes au niveau de l’UE, y compris des propositions de dette commune pour financer un agenda plus ambitieux sur le plan géopolitique, observent également la situation avec scepticisme.

Globalement, le problème de la France n’est pas le manque d’activités économiques rentables à taxer, mais l’inefficacité du système fiscal. Pour mener à bien des réformes systématiques et compétitives, les décideurs politiques devraient se concentrer sur unepolitique fiscale fondée sur des principes.

Les Propositions de Réforme Jusqu’à Présent

Le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a appelé à une réduction des dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire et a exclu une augmentation des impôts. Ce dernier point est conforme à la position du président Macron depuis son élection en 2017: restaurer la compétitivité, faire croître l’économie française et augmenter les recettes. Après tout, la France a déjà l’un des des taux combinés d’impôts et de cotisations obligatoires les plus élevés au monde et un ratio dette/PIB de 110,6 pour cent, supérieur à la moyenne.

Cependant, des opposants ont suggéré que l’augmentation de la croissance et la réduction des dépenses publiques actuelles ne généreront pas suffisamment de revenus pour stabiliser les finances publiques après avoir pris en compte la hausse des taux d’intérêt, les investissements publics pour la transition verte et l’augmentation des coûts de la défense. C’est pourquoi ils estiment que les augmentations d’impôts doivent faire partie de la solution à long terme.

Mais la réforme fiscale française est plus complexe que de savoir si les riches doivent payer plus ou si les pauvres doivent payer leur part. Proposer des politiques publiques qui semblent intéressantes d’un point de vue politique mais qui ne résolvent pas le problème – comme l’extension de l’impôt temporaire sur les bénéfices exceptionnels des entreprises du secteur de l’énergie – ne permet pas de générer des recettes suffisantes et érode davantage la confiance du public dans les décideurs politiques.

La Croissance est Importante pour les Recettes

La réduction des dépenses publiques est un moyen de combler le déficit budgétaire à court terme. Cependant, étant donné que le taux total des impôts et des cotisations sociales en France est proche de 50 pour cent de la production économique, les décideurs politiques devraient éviter de réduire les dépenses publiques trop rapidement, car cela peut réduire la croissance économique à long terme. Pour chaque pour cent de PIB perdu, on peut s’attendre à une augmentation du déficit de 0,5 point de pourcentage du déficit.

Il est tout aussi important pour la croissance de comprendre qu’il existe une hiérarchie des meilleures et des pires façons de collecter un euro de recettes, car différents types d’impôts ont des impacts économiques différents.

Par exemple, les impôts sur les facteurs les plus mobiles de l’économie, tels que le capital, sont ceux qui provoquent le plus de distorsions et ont l’impact le plus négatif. Les impôts sur les facteurs qui ne peuvent pas être facilement déplacés, comme les terrains, sont les plus stables et les moins générateurs de distorsions. En outre, les taxes à la consommation, telles que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sont relativement neutres, n’entraînent qu’un minimum de distorsions et constituent un moyen plus efficace, d’un point de vue économique, de générer des recettes. Comprendre les effets de distorsion de certaines politiques fiscales par rapport à d’autres permettrait aux décideurs politiques d’atteindre plus facilement leurs objectifs en matière de croissance et de recettes.

La France a-t-elle un Système Fiscal Compétitif et Neutre ?

En général, un système fiscal compétitif maintient des taux marginaux d’imposition bas en raison de la mobilité du capital, tandis qu’un système neutre vise à générer le plus de recettes avec le moins de distorsions économiques possible. De nombreux facteurs contribuent à la performance économique d’un pays, mais un système fiscal compétitif et neutre favorise une croissance économique et des investissements durables tout en générant des recettes suffisantes pour répondre aux priorités du gouvernement.

Après avoir été pendant des années le système fiscal le moins compétitif de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France a rendu son système fiscal plus compétitif sous la présidence de Macron, en réduisant progressivement le taux légal de l’impôt sur les sociétés de 33,3 pour cent à 25,83 pour cent, en réduisant les impôts sur le revenu personnel, en simplifiant les cotisations au système de sécurité sociale et en mettant en œuvre diverses réformes de l’impôt foncier.

Cependant, trop souvent, dans le débat public, un système fiscal compétitif est confondu avec un faible taux d’imposition sur les sociétés. Alors que le taux d’impôt sur les sociétés peut influencer les décisions d’investissement, avoir un système fiscal compétitif va bien au-delà du taux appliqué sur le revenu des sociétés.

Selon l’Indice de Compétitivité Fiscale Internationale 2023 de la TaxA tax is a mandatory payment or charge collected by local, state, and national governments from individuals or businesses to cover the costs of general government services, goods, and activities. Foundation, qui vise à mesurer le degré de compétitivité et de neutralité du système fiscal d’un pays, la France se classe toujours au 36e rang sur 38 pays de l’OCDE. Globalement, cela est dû à la grande complexité du système fiscal, à des problèmes d’assiette fiscale et à des politiques fiscales qui génèrent de nombreuses distorsions.

Par exemple, la France se classe 32e dans l’ensemble de l’OCDE en matière de taxes à la consommation. Cela n’est pas nécessairement dû à un taux élevé (16e rang) mais plutôt au deisgn de l’assiette (36e rang).

Idéalement, la TVA devrait être prélevée à un taux standard sur l’ensemble de la consommation finale, mais les décideurs politiques français ont mis en place des réductions de taux sur certains produits et ont exempté certains biens de l’assiette de la TVA. Le rapport d’efficacité (C-efficiency ratio) – qui mesure la part de la consommation finale couverte par la TVA – n’est que de 53 pour cent, révélant à la fois des lacunes en matière de politique et d’application. La moyenne de l’OCDE est de 58 pour cent.

De plus, le seuil de TVA en France (91 900 euros) est le troisième plus élevé de l’OCDE en termes de pouvoir d’achat, juste derrière l’Italie (85 000 euros) et la République tchèque (79 000 euros), et plus de deux fois la moyenne de l’OCDE, qui est d’environ 34 000 euros (en termes de pouvoir d’achat en France).

En outre, la structure de l’impôt sur le revenu en France décourage la mobilité des travailleurs. Compte tenu de la complexité du système de cotisations de sécurité sociale, de multiples pics involontaires se produisent dans le coin fiscal marginal. Cela peut notamment nuire aux travailleurs à revenu moyen, que les partis de tous bords politiques prétendent vouloir aider.

France : Coin Fiscal Marginal pour un Seul Salarié en Pourcentage du Coût du Travail par Niveau de Coût du Travail en euros

Enfin, la France est l’un des derniers pays d’Europe à recourir à l’impôt sur le chiffre d’affaires des entreprises. Ces impôts sur la production – connus sous le nom de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de cotisation économique territoriale (CET) – sont régressifs, car ils taxent les revenus plutôt que les bénéfices, et sont déconnectés de la performance économique d’une entreprise. Le gouvernement a correctement identifié ces politiques comme étant problématiques, mais a continué à retarder leur correction. Cela s’ajoute à la taxe sur les services numériques qui produit un résultat régressif similaire.

Ceci est loin d’être une liste exhaustive des défauts du système fiscal français, mais ces exemples aident à illustrer les thèmes plus larges du manque de compétitivité et neutralité.

Réformes visant à améliorer l’efficacité

La bonne nouvelle pour les responsables politiques français qui cherchent à augmenter efficacement les recettes tout en maintenant la croissance économique, c’est qu’il existe des options lucratives.

Avec 73 milliards d’euros, la France a l’écart de TVA actionnable le plus important de l’Union européenne, qui mesure les recettes perdues en raison des choix politiques des décideurs, tels que des taux réduits sur certains biens ou l’exemption totale de certains articles de l’assiette de la TVA. Comme ces recettes non perçues sont dues à des choix, les décideurs peuvent modifier ces choix pour obtenir une combinaison plus efficace tout en soutenant la croissance économique.

En outre, lisser la variation du taux marginal d’imposition en fonction du niveau de revenu augmenterait probablement l’offre de main-d’œuvre et encouragerait la mobilité ascendante des travailleurs. C’est particulièrement vrai pour les travailleurs à revenu moyen. Enfin, l’élimination des impôts de production régressifs sur les entreprises augmenterait leur compétitivité et leur potentiel de croissance.

En termes d’équité, tous ces changements politiques contribueraient à réduire la charge fiscale sur le travail en France, qui est l’une des plus élevées de l’OCDE, à 47 pour cent.

Plutôt que de proposer des solutions fiscales peu judicieuses parce qu’elles sont politiquement commodes, les responsables politiques français devraient adopter une réforme structurelle du système fiscal. Se concentrer sur la compétitivité, la neutralité et des politiques efficaces pour accroître les recettes, contribuerait grandement à renforcer la croissance économique et à stabiliser les finances publiques à long terme.

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